Celle qui allait en pèlerinage à Sainte-Barbe sur le dos

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Titre
Celle qui allait en pèlerinage à Sainte-Barbe sur le dos
Nature de l'événement
Anecdotes littéraires
Personnage principal
La tenancière des étuves du Tombois
Autres personnages
Un Carme
Le cocu
Description de l'événement
Plusieurs contes des Cent nouvelles nouvelles mettent en scène des épouses infidèles, pour faire rire de leur mari cocu. Philippe de Vigneulles s'inspire ici d'une anecdote de l'auteur italien Poggio Bracciolini (1380-1459). La femme insatiable et le mari benêt sont des lieux communs, mais ils sont replacés dans un contexte typiquement messin : la topographie est précise ; l'héroïne travaille dans un établissement réel, les étuves du Tombois ; partir une journée en pèlerinage individuel dans les sanctuaires du pays de Metz est une excuse crédible.

Traduction en français moderne : « Le jeune gars dont je vais parler dans cette nouvelle était marié à une jeune femme fort jolie. Sans mentir, elle n’offrait pas plus de résistance qu’une vieille arbalète ; elle était tellement chaude de tempérament, qu’on aurait dit qu’elle était née dans un four, ou à quelques centaines de mètres du soleil levant. Ou alors, c’était parce qu’elle passait son temps aux étuves : elle et son mari tenaient un établissement de bains publics à Metz, dans le quartier du Tombois, en Chandellerue, près de la Grève. Et comme elle était tellement chaude que la Seille, qui coule à côté, n’arrivait pas à la refroidir, elle allait chercher des amants partout où elle pouvait. Son mari s’en apercevait bien, mais il n’osait rien dire.

Un jour, un Carme, qui était un des lieutenants de son mari, envoya un messager secret pour avertir notre bourgeoise que, tel jour, il préparerait une baignoire et un grand banquet dans sa chambre : qu’elle y vienne de bonne heure. Elle fut très joyeuse de la nouvelle et se prépara pour le rendez-vous, en faisant croire à son mari qu’elle allait en pèlerinage à Notre-Dame de Rabas. Mais comme vous l’avez compris, elle alla en fait aux Carmes pour faire ses dévotions. Elle fut bien reçue et bien festoyée, et après avoir bavardé et fait ce pour quoi ils étaient venus, et après avoir mangé tout ce qui avait été préparé, ils prirent congé l’un de l’autre. Mais le Carme n’oublia pas de lui donner un autre rendez-vous.

Alors, la gaillarde quitta le couvent puis sortit de la ville par la porte du pont Rengmont : dans les jardins, elle salit ses habits et ses souliers avec de la boue comme si elle revenait de loin. Mais elle eut beau être discrète, des gens la virent, et la suivirent pour la surveiller et voir quel chemin elle prendrait. Et ils découvrirent son manège : elle rentra à Metz par une autre porte et rentra chez elle en faisant semblant d’être bien fatiguée. Ceux qui l’avaient espionnée vinrent dire à son mari qu’ils l’avaient vu sortir des Carmes et faire tout son manège, mais le pauvre homme ne lui en dit pas un mot : il n’osait pas.

Le jour tant attendu arriva où la dame devait retourner aux Carmes. Elle raconta donc à son mari qu’elle devait aller en pèlerinage à Sainte-Barbe. « J’en ai fait le vœu, dit-elle. - Bien, répondit son mari, allez-y, mais revenez vite. – Je ne ferai que l’aller-et-retour ». Elle partit donc, et son mari la suivit de loin, jusqu’au couvent. Puis il vit dans quelle chambre elle entrait, il se cacha et trouva moyen de regarder par un trou dans la chambre où était sa chère et tendre épouse.

Immédiatement, avant même de se baigner, le moine la jeta sur un lit. Comme si elle avait honte, elle se couvrit le visage avec ses genoux et, pour mieux la couvrir, il sauta sur elle comme s’il voulait l’étrangler.

Le pauvre bonhomme de mari qui voyait tout cela, alla en hâte dans l’église et y trouva trois ou quatre bons compagnons. Il leur dit : « Venez voir, venez voir si vous avez une femme aussi bonne que la mienne ». Sans plus parler, ils allèrent devant la chambre et il leur montra sa femme par le trou de la serrure. « Regardez comme ma femme est économe : elle devait aller à Sainte-Barbe à pied et pour ne pas user ou abîmer ses souliers sur le chemin, elle fait le pèlerinage sur le dos. Vraiment, c’est une femme bien, tout le monde n’a pas sa pareille. » Sans rien ajouter, il rentra chez lui. Les autres, en l’entendant parler ainsi, rirent si fort qu’on aurait pu leur arracher les dents de la bouche à force de rire. Ils gardèrent si bien le secret que tout le monde le sut. Je ne sais pas ce qu’il arriva depuis. »

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Pèlerinage de Sainte-Barbe Conceptual Object
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Étuves du Tombois Lieu